Histoire de la  Villa « la Feuillée »
qui est devenu le F.A.I. et maintenant CISVB
par Hubert HOLVECK

Il serait difficile de parler du F.A.I. sans évoquer au moins brièvement la Saga des MARCHAL, la branche des « fabricants » comme on disait à l’époque. A l’origine, nous avons le couple
Gédéon MARCHAL  1829/ 1915
né en  1829 à Neuviller, , Bas-Rhin, Il est décédé en 1915 à La Broque,
mariage le 20 novembre 1850 à Rothau
Frédérique WIDEMANN  1830/1898
née le 10 septembre 1830 à Rothau, 67570 Elle est décédée en 1898 à La Broque,
les tombes au cimetière de Rothau

Ils avaient 11 enfants  :

1.- Monsieur Ernest MARCHAL    né le 18 février 1823, Neuviller-la-Roche,67130,Bas-Rhin,Alsace,FRANCE, décédé le 17 juillet 1915, La Broque,67130,Bas-Rhin,Alsace,FRANCE (à l’âge de 92 ans), Filateur.
Marié le 20 novembre 1850, Rothau,67570,Bas-Rhin,Alsace,FRANCE, avec Frédérique WIDEMANN , née le 10 septembre 1830, Rothau,67570,Bas-Rhin,Alsace,FRANCE, décédée en 1898, La Broque,67130,Bas-Rhin,Alsace,FRANCE (à l’âge de 68 ans).

2. Mademoiselle Lina MARCHAL   Mariée avec Alfred MARCHAL
Monsieur Paul MARCHAL  
Marié avec Cécile WIDEMANN .

Monsieur Jules MARCHAL
Marié avec Lina LANGENBUCH . .

Mademoiselle Fanny MARCHAL  
(était la maman de Denise JACQUEL Rothau)
Mariée avec Jules LACOUR .
.

6  Monsieur Ernest MARCHAL
  
Monsieur Alfred MARCHAL  
Marié avec Emilie FRICK .

8 Monsieur Camille MARCHAL
Mariée avec Mathilde MULLER . .
 
Monsieur Gustave MARCHAL
Marié avec Louise SCHALLER . . 

10 Mademoiselle Mathilde MARCHAL
Mariée avec Paul RAMETTE 
11 Mademoiselle Frédérique MARCHAL

Qui a donné naissance à une fratrie d’une quinzaine de membres dont j’ai la liste, mais je ne sais plus où ! D’où le sigle GMF Gédéon MARCHAL et Fils. Tous ces gens ont essaimé dans des périmètres de plus en plus grands, et n’ont pas de grand intérêt pour cet ouvrage, sauf mention au passage, bien que les personnages eux mêmes aient été dignes d’être connus, je le sais car j’ai eu ce privilège. Nous ne retiendrons pour ce récit que celui qui est resté à LA CLAQUETTE. Monsieur Ernest, comme Napoléon, était grand par son œuvre mais petit par la taille et ses ouvriers et employés le nommaient familièrement (quand il était loin) le p’tit Nénêt. Le personnage n’était pas commode, mais j’y reviendrai

Ernest MARCHAL  1865/1943
né le 12 janvier 1865 à La Broque, 67130, - Il est décédé le 12 août 1943 à Trouhans, 21170, Côte-d'Or, Bourgogne
à l'age de 78 ans
Emma DIEHL  1870/1949
née le 22 novembre 1870 à Barr, 67140, Bas-Rhin - décédée le 11 juin 1949 à La Broque

ils avaient 2 enfants /

1.-Madame Annie MARCHAL.
 née le 9 novembre 1893, Rothau, décédée le 19 décembre 1975, Boulogne-sur-Mer,62200,Pas-de-Calais,Nord-Pas-de-Calais,(à l’âge de 82 ans).
Mariée le 6 septembre 1913, La Broque,67130,Bas-Rhin,, avec Alfred LUTZ , né en 1885, décédé en 1976 (à l’âge de 91 ans).

 et
2.-Mademoiselle Renée MARCHAL

 

Ce couple a fait construire vers 1902 à l’actuel 36, rue du Gal Leclerc, (du F.A.I.) un ensemble immobilier comprenant une villa de maîtres suivant l’appellation de l’époque, avec garage, maison de gardien et à l’arrière un ensemble de style en grès des Vosges que nous appelions la Galerie. Et sur la grille au bord de la route était fixée une plaque gravée.
                                                    
      -         Villa La FEUILLEE –

Peu de gens entraient dans ce domaine, et ils étaient triés sur le volet. Bien sûr les invités, la famille parfois les musiciens ou l’accordeur de piano. Et le petit cercle de ceux qui voient tout et entendent tout à la cuisine, dans les chambres et dans les voitures et à qui on demande d’être propres, polis, travailleurs, d’une discrétion absolue (contrôlée) et d’être serviables sans être  serviles, ce dernier point était admis par M. Ernest par besoin d’être informé, mais très peu apprécié,  car le quidam était classé « agent double »

Je reprends donc mon récit à la galerie construite un peu plus tard, mais dans la foulée. Il s’agissait en fait d’un salon de musique et d’exposition qui était splendide et dont M. Ernest était très fier. Sans doute avait-il remarqué que cet ensemble magnifique à tous les points de vue avait fait sur « le petit gamin de chauffeur que j’étais » l’effet d’un coup de marteau sur la tête. Lui, qui ne manquait pas de gens prêts à chanter ses louanges, a dû être flatté, car moi j’avais le souffle coupé. Il m’a montré le piano PLEYEL de concert et au fond de la pièce, l’orgue. Puis il m’a promis que nous y reviendrions. Partout où il y avait de la place autour de la pièce, ce n’étaient que tableaux et vitrines dorées avec des verres biseautées qui reflétaient dans tous les sens des rayons aux couleurs de l’arc en ciel dès qu’il y avait un rayon de soleil.

M. Ernest avait une sœur, (Fanny (1872-1948);  archéologue enragée qui avait cherché au Donon un tas de vestiges gallo-romains qui trônaient dans les vitrines de son frère. C’était ça la galerie. Une vitrine  pour Madame Fanny LACOUR, épouse d’industriel de Sainte Marie aux Mines (sœur d’Ernest). Lorsqu’il allait (souvent) dans la galerie, M. Ernest relevait à chaque fois un appareil de mesure « pour mesurer l’humidité » disait-il. J’ai compris plus tard qu’il s’agissait d’un hygromètre dont on trouvait différents modèles dans les tissages et filatures. Et pourquoi cet appareil ? Car cette partie d’immeuble était déjà à l’époque équipée d’un dispositif peut-être primitif, mais diablement efficace qu’on appellerait aujourd’hui climatisation à absorption. Cette merveille très en avance sur son temps a malheureusement disparu au cours des travaux de modification des bâtiments. Subsistent seules  les grilles d’aération en bronze dans le sol du grand salon de musique, mais dès qu’on parle de technique, j’oublie les personnages. Voilà qui va intéresser M. ATZENHOFFER : Le couple Ernest MARCHAL  / Emma DIEHL a eu deux filles ! Annie, devenue plus tard Mme Alfred LUTZ par son mariage avec un agent commercial. Le couple a eu trois enfants : Robert, Jean-François et Yvette que nous retrouvons dans l’histoire du F.A.I.  La deuxième fille, Renée, devenue Mme BRICKA par son mariage avec un avocat originaire de Bischwiller et que nous appelions Mme Renée parce qu’elle nous l’avait demandé en toute simplicité, a eu des déboires conjugaux et ce devait être vers 1939/40 car j’ai lu un extrait du jugement de divorce écrit en allemand. Mme Renée a eu une fille, Annette BRICKA, qui doit avoir à peu près mon âge, mais que je n’ai plus vue depuis soixante ans. Cette fille était un modèle de douceur et de gentillesse avec le personnel qui l’adorait. Elle se nomme maintenant Mme Jacques BARRAL la mère de Laurent et de Sylvie épouse BALY.

A ce stade, nous n’avons évoqué qu’une petite partie de l’immense ramure de l’arbre généalogique MARCHAL qui ressemble assez au gros chêne du Salm. En fait la partie qui  touche « LA FEUILLEE » Mais il y a une branche que j’aimerais encore évoquer bien qu’elle ne touche pas directement le F.A.I. seulement par ricochet.

      Paul MARCHAL  1851/ 1912  frère de M. Ernest
Cécile WIEDEMANN  1852/1930 épouse du précédent
(Cécile WIEDEMANN est la fille de Frédéric Adrien WIEDEMANN, maire de Rothau, aubergiste aux Deux Clés)
ils avaient deux enfants :
Mademoiselle Aimée MARCHAL   et  Monsieur Pierre MARCHAL

Étaient les parents d’un autre MARCHAL très connu

               Pierre MARCHAL  1888/ 1951  marié avec
Alice WENNING  1903/1985

Mais bien entendu de la sœur de Monsieur Pierre, Mme Aimée MARCHAL,  mariée avec le Professeur Alfred KLEINKNECHT, chirurgien et directeur de l’hôpital du Hasenrain à MULHOUSE.(photo de leur mariage dans l'ESSOR)

Le Professeur et Madame ont eu un fils, Jean KLEINKNECHT né en 1908 qui a été à l’école de ROTHAU, puis à MULHOUSE et enfin à l’École Nationale Supérieure de Textile d’où il est sorti Ingénieur avant d’aller compléter sa formation au Polytechnikum de Zurich avec un deuxième diplôme d’Ingénieur, mais cette fois d’électricien. Ça promettait pour moi, mais je n’en savais encore rien.
Les années se succédaient, avec la crise de 1929, puis les grèves en 1936 et c’est précisément cette année là que Monsieur Ernest perdit l’usage d’un œil. Sans doute lassé d’importuner le chauffeur de son gendre, il décida d’en embaucher un, à partager avec son neveu Pierre MARCHAL. C’est là que mon père entre en jeu et moi aussi par la même occasion.

Quatre voitures à entretenir et à conduire, il y avait de quoi faire pour mon père car moi à sept ans, j’étais juste bon pour la peau de chamois ou pour tenir les queues de soupapes. Mais c’était déjà ça, car une troisième main, même petit ça peut rendre service, bien entendu avec l’autorisation de Monsieur ! Et ça évite de chercher un mécanicien à l’usine.

Et un gamin, ça se faufile partout et les patrons comme les bonnes ne manquaient pas de me solliciter pour me glisser là où eux ne passaient pas. Étonnez-vous après ça qu’on vous dise que je connais bien la maison. Et malgré sa réputation d’ogre, Monsieur Ernest  ne m’a adressé, au début en 1936 qu’une petite réprimande (méritée) mais pour un motif si futile…. J’étais vexé jusqu’au trognon parce qu’il m’avait fait cette remarque devant ses filles. Mais ça ne s’est jamais plus reproduit. ! Il a toujours été très gentil avec moi. Je sais que peu de gens l’ayant connu (Il en reste peu) tiendraient le même langage que moi, mais je n’y peux rien !

Les années passèrent.

Vint la crise et la guerre…….

Dans la chanson, ça sonne bien, mais dans la vie, c’est plutôt triste.

Le 2 septembre 1939, mon père partait, mobilisé. Désormais, je n’avais plus rien à faire à LA FEUILLEE. Mais quand je rencontrais Monsieur Ernest  dans la rue, je soulevais mon béret et malgré sa mauvaise vue, il ne manquait jamais de m’adresser de la main un petit signe amical.

 Et puis, un jour de 1940, désireux sans doute de mettre un peu d’espace entre les Allemands et lui, il disparut vers la « France de l’intérieur »

Je ne le revis plus jamais, pas plus que lui ne revit sa si jolie maison.

A partir de là, les événements se précipitèrent et on vit défiler dans la maison des gens qui visiblement n’avaient rien à y faire et d’autres qui y étaient en mission. On put même voir, chose étrange, un ouvrier de l’usine se promener dans le canton avec la somptueuse CADILLAC, 45 CV fiscaux, 32 litres aux 100 km ( 200 000 Frs) c’est assez dire la pagaille qui accompagne les conflits. La villa fut réquisitionnée par l’occupant et le contenu mis aux enchères par le notaire de Schirmeck. Et au milieu du fourbi monstre dispersé dans la cour, le petit neveu de Monsieur Ernest, j’ai nommé Monsieur Jean KLEINKNECHT qui faisait des choix et indiquait à quelques fidèles ce qu’ils devaient acheter, pour sauver les meubles, expression qui prenait ici tout son sens. Me voyant  près de mon père qui oeuvrait déjà pour lui, il m’appela à le suivre, m’indiqua une série d’objets en rapport avec ma taille : tu achètes ceci, cela et me fourrant de l’argent dans la main, si tu n’en as plus, demande m’en !

Étrange spectacle que celui de ces gens qui regardaient les biens de leurs patrons, certains par curiosité, d’autres avec indifférence, ou encore avec tristesse. D’autres encore qui semblaient jubiler, dérisoire revanche sur la différence de statut social ! La scène est un peu floue, mais bien présente dans ma mémoire où elle restera.

Une fois vidée et nettoyée, la maison fut bientôt prête pour abriter le commandant du Camp SS du Struthof Joseph KRAMER  avec sa garde  et son secrétariat. Inutile de préciser que les passants ne s’attardaient pas devant la grille où veillait une garde permanente. L’endroit était malsain et personne  n’avait envie d’en savoir davantage sur ce qui se passait à l’intérieur. 

 ( Josef  Kramer  Arrêté le 17 avril 1945 à Bergen-Belsen. Jugé au cours du procès de Lunebourg, en zone d'occupation britannique, jugement de la garnison SS de Bergen-Belsen qui s'ouvre le 17 septembre 1945
16 et 17 novembre 1945, les jugements sont prononcés
13 décembre 1945, Kramer est pendu à la prison de Hameln. )(voir le site du Stuthof :
http://www.struthof.fr/

En 1943, nous avons appris avec tristesse et émotion, le décès de Monsieur Ernest. Sa disparition allait changer pas mal de choses dans la famille et les usines. Mais n’anticipons pas. En attendant, la guerre traînait en longueur et j’avais quatorze ans. Faute de faire des études, car il aurait fallu que je parte outre Rhin, le Patron par intérim dont mon père était toujours chauffeur entre deux voyages en car ou en camion accepta de me prendre comme apprenti électricien. C’est ce poste que j’occupais lors du grand chambardement des Américains venant d’Azerailles, tandis que les Français venaient de Wasselonne.

Après les émotions de la libération, le premier haut personnage de l’usine à se pointer au bureau de La Claquette fut Monsieur Alfred LUTZ en uniforme de Commandant avec Jeep et chauffeur. Sans doute avait-il un statut spécial, car il revient les jours suivants, en Simca 5, et sans chauffeur, mais toujours en uniforme et avec une canne car il avait été blessé.

Tout de suite après vint Monsieur Pierre puis les exilés, les expulsés et les fugitifs rentrèrent au bercail. Joie de se retrouver en famille, tristesse en évoquant ceux qui ne reviendraient pas.

La vie reprenait un cours à peu près normal. Je ne tiens pas à disserter sur l’héritage de Monsieur Ernest MARCHAL, parce que ça ne me regarde pas, mais il faudra bien aborder le sujet.

Dans les usines, le problème avait été réglé par les Conseils d’Administration respectifs des deux groupes GMF et SD qui étaient deux entités différentes avec les mêmes dirigeants.

Pour le privé, la Villa de Monsieur Ernest  devait échoir à M et Mme Alfred LUTZ chez qui vivait Madame Ernest MARCHAL (Emma DIEHL) et où elle s’éteignit en 1949.

Quant à la VILLA, elle fut occupé successivement par différents cadres de l’usine GMF et par Madame LHEUREUX née Yvette LUTZ (petite fille de Ernest MARCHAL) mais je ne sais pas dans quel ordre.

Et le 29 mai 1965, la Villa «  La Feuillée » devient le F.A.I ou

Foyer d'Amitié Internationale

CENTRE INTERNATIONAL DE SÉJOUR

Récit de Hubert HOLVECK

Le 9 janvier 2008

Voir:  Le développement de l'industrie textile dans la vallée de la Bruche